Parmi les contentieux qui occupent régulièrement les rôles des tribunaux de commerce, il y a celui des opérateurs de téléphonies.
La plupart du temps, il s’agit en réalité de « courtiers en téléphonie » qui n’ont rien à voir avec un opérateur ce que le client apprend souvent à son détriment, mais bien trop tard.
Là où il a cru faire des économies sur sa facture, il se retrouve sans ligne téléphonique ou avec une ligne défectueuse, contraint de régler des factures ne correspondant pas à son contrat.
Il procède alors le plus souvent à la résiliation de celui-ci, sans avoir néanmoins préparé cette étape, ou plus particulièrement, sans avoir réuni les preuves démontrant la carence de son courtier.
Or, une fois le contrat résilié unilatéralement par le client mécontent ou qui estime avoir été trompé par un commercial peu scrupuleux, le courtier réclame, outre le paiement de ses factures restées impayées, une indemnité correspondant au nombre de mois restant à courir au titre du contrat, multiplié par le montant de la mensualité.
Le montant réclamé est bien souvent astronomique en comparaison de la faiblesse ou de l’absence de prestation, mais le courtier invoque l’opposabilité de ses conditions générales que bien entendu, le client n’a pas lues.
Or, ce dernier, n’ayant pas réuni de preuves – puisqu’il a agit sans consulter son avocat – il se retrouve en difficulté pour démontrer le bienfondé de sa résiliation et ainsi échapper au versement de cette indemnité.
Tout n’est pas perdu : on vous explique quelques techniques pour pouvoir y échapper (bien entendu, il en existe de nombreuses autres).
La prescription
En matière de téléphonie, l’article 34-2 du Code des postes et des communications électroniques oblige le professionnel à assigner le consommateur au plus tard un an après la date d’exigibilité de la facture dont il réclame le paiement.
La jurisprudence a tendance à considérer que cette prescription s’applique non seulement aux factures d’abonnement mais également aux frais de résiliation, lesquels font également l’objet d’une facturation.
Cela permet de considérer prescrites les demandes d’indemnités de résiliation appliquées par des sociétés comme la société SCT TELECOM – également dénommée CLOUD ECO – lorsque cette dernière, après avoir multiplié les « dernières relances avant poursuites » assigne après ce délai d’un an.
Si l’assignation vient trop tardivement – ce qui est régulièrement le cas – l’affaire peut ainsi être prescrite, sous réserve que la juridiction considère l’article 34-2 précité applicable à l’indemnité de résiliation.
Ce n’est pas toujours le cas, mais les tribunaux de commerce ont tendance à s’y tenir.
C’est en tout cas la réponse qui semble être la plus logique, puisque cette indemnité se calcule sur la base du montant des factures d’abonnement.
Contestez la signature du contrat
Dans ce type de dossiers, les commerciaux se sont régulièrement montrés pressants voire harassants pour arracher la signature d’un client.
La plupart du temps, ils promettent à la personne disposant du tampon de la société qu’elle peut tamponner et signer le bon de commande sans difficultés car il s’agit d’un document non contractuel n’engageant pas la société.
Une fois ceci fait, ils ne prennent même pas la peine de lui demander de remplir le mandat SEPA (ce serait lui faire prendre conscience de son erreur).
Bien entendu, ils n’ont pas préalablement vérifié que la personne signataire était bien habilitée à engager la société.
Pourtant, s’agissant de contrats souscrits dans le cadre d’un démarchage auprès d’entreprises, il a été jugé que :
« le commercial d’une société doit nécessairement, en sa qualité de professionnel, vérifier le pouvoir de son interlocuteur sans se contenter de l’apparence des fonctions de ce dernier ».
C’est l’évidence même puisque le commercial fait de la signature son métier.
Force est néanmoins de constater que cette vérification n’a la plupart du temps pas lieu.
Or, si une société peut être engagée par une personne non habilitée ce n’est qu’à la condition que le créancier soit en mesure de démontrer l’existence d’un mandant apparent, ce qui suppose de rapporter la preuve :
- que le créancier – le commercial – pouvait légitimement croire que la personne disposait des pouvoirs nécessaires ;
- que les circonstances (usages commerciaux, relations des parties etc.) l’autorisaient à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
Or, s’agissant de contrats conclus dans le cadre d’un démarchage entre deux sociétés n’ayant jamais eu l’occasion de se connaître ou de travailler ensemble, le commercial ne peut justifier d’usages ou de relations antérieures l’autorisant à ne pas vérifier scrupuleusement la qualité du signataire.
C’est au contraire son métier.
Dans ces conditions et s’il est évident qu’un contrat signé par un(e) standardiste ou un(e)comptable sera le plus souvent considéré comme n’engageant pas la société, la jurisprudence a également tendance à refuser que des contrats signés par un directeur de site voire un ancien dirigeant social, puissent engager une société, dès lors que les véritables représentant légaux de ces sociétés n’avaient pas été mis au fait de l’existence de ces contrats et n’avaient pas donné leur accord à leur signature.
C’est précisément cela, qu’il conviendra de s’attacher à démontrer.
Pour ne citer, que la société SCT TELECOM – ou CLOUD ECO – celle-ci se trouve régulièrement déboutée de ses demandes, faute d’être en mesure de rapporter la preuve d’un mandat apparent permettant de justifier l’opposabilité du contrat à la société.
Une fois le contrat jugé inopposable à la société pour avoir été signé par une personne n’ayant pas qualité pour l’engager – et même si le contrat a été en partie exécuté – la société de courtage ne sera plus en mesure de réclamer le montant des indemnités prévues dans ses conditions générales qui, par définition, sont inopposables.
Réclamez les CGV
En pratique, il faut savoir que la plupart des sociétés de courtages « perdent » ou ne conservent pas les conditions générales trop anciennes.
Souvent les contrats sont signés dans l’empressement et sous la pression du commercial qui fait rarement preuve d’une rigueur exemplaire.
C’est la raison pour laquelle la société SCT TELECOM par exemple, croit pouvoir subordonner la transmission de ses conditions générales de vente au règlement d’une somme de 12 € prétextant que ses conditions générales – qu’elle n’arrive pas à transmettre – le stipuleraient.
Non seulement cette pratique est illicite mais elle est absurde : pour pouvoir vérifier l’opposabilité de la clause prévoyant cela, il convient de produire lesdites conditions générales, qu’elle refuse de produire sauf à régler la somme de 12 €.
Or, là encore, faute de produire les conditions générales, la société ne sera plus en mesure de justifier du montant des pénalités réclamées.
Lorsque des conditions sont finalement produites, rien ne permet de s’assurer qu’il s’agissait bien de celles prévues au contrat.
Et pour cause : la société SCT TELECOM par exemple, met régulièrement à jour ses conditions générales.
Ainsi, l’article visé dans sa mise en demeure ou son assignation ne correspondra le plus souvent pas à celui mentionné dans lesdites conditions générales.
En pratique, cela conduira le Tribunal à considérer qu’elle ne justifie pas de l’opposabilité de sa clause et à la débouter de ses demandes.
Contestez le contrat
AU cas où vous ne l’auriez pas encore compris: le contentieux dont traite cet article est celui de l’indemnité de résiliation du contrat.
Celle-ci correspond au nombre de mois restant à courir multiplié par le montant de la mensualité.
Or, cette indemnité est souvent difficile à calculer car la durée du contrat ne figure pas sur le contrat, mais au verso des conditions générales lesquelles sont le plus souvent illisibles, lorsqu’elles sont produites.
La jurisprudence a tendance à sanctionner une telle pratique pour considérer – là encore – inopposable la clause prévoyant le versement d’une telle indemnité.
Le Tribunal de commerce de Lyon l’a expliqué de façon très didactique.
Il a ainsi considéré « que la durée de l’engagement contractuel ne figure pas au recto du « contrat de service de téléphonie fixe, mais en deuxième partie des conditions particulières de téléphonie fixe » et que « la typographie des « conditions particulières de téléphonie fixe » est de taille inférieure au corps 8 c’est-à-dire 3 mm, rendant leur lecture non transparente et empêchant d’en prendre connaissance correctement avant de signer les documents du contrat ».
Avant d’ajouter que par nature, le critère de la durée, donc des engagement respectifs, constitue un élément contractuel essentiel » et qu’il appartenait « à la société SCT TELECOM de garantir la transparence légitime requise, en particulier en faisant figurer la durée de l’engagement sur le recto du « contrat de service de téléphonie fixe ».
Le Tribunal en a déduit que dès lors que la durée du contrat ne figurait pas de manière lisible sur le recto du contrat mais au verso de manière illisible, de sorte que la clause relative à l’indemnité de résiliation était réputée non écrite et donc inopposable.
Il s’agit là d’une application des principes de bonne foi et de loyauté contractuelle, la société SCT TELECOM ayant sans doute ainsi voulu tromper son cocontractant sur l’étendue de ses obligations.
Enfin si ce n’est pas trop tard : préparez la résiliation !
Comme cela a été évoqué en introduction, le dirigeant, après avoir résilié son contrat, se trouve le plus souvent bien démuni pour s’opposer aux demandes de son courtier, faute d’avoir pris le temps de se ménager des preuves.
Or, dans ce type de dossier, il est absolument indispensable de se constituer des preuves en relançant le prestataire à chaque dysfonctionnement puis en faisant constater son absence d’intervention.
Si des clients n’arrivent pas à vous joindre à raison du dysfonctionnement de la ligne, il vous faut obtenir une attestation de leur part.
En clair, chaque fois que le service ne peut fonctionner, il vous faut vous ménager une preuve afin de pouvoir en justifier.
Ce n’est qu’à la condition de pouvoir démontrer la carence de l’opérateur que vous pourrez ensuite prononcer unilatéralement la résolution du contrat avant de la faire valider par un juge et ainsi échapper à l’indemnité de résiliation qui sera réclamée par la société.
Si vous souhaitez néanmoins conserver votre contrat, vous pouvez tout aussi bien faire valoir l’exception d’inexécution vous autorisant à conserver le paiement des sommes qui vous sont facturées jusqu’à l’intervention du prestataire.
A défaut d’intervention de sa part, vous pourrez alors faire valoir la résolution du contrat, sa carence étant avérée.
En effet, en droit, la gravité du comportement d’une partie peut justifier que le cocontractant mette fin au contrat de manière unilatérale, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non.
Le contrat est alors anéanti dès son origine, ce qui entraîne la disparition de ses clauses et interdit au cocontractant fautif de « se prévaloir des stipulations contractuelles régissant les conditions et les conséquences de la résiliation unilatérale« , telle qu’une clause pénale ou une clause de dédit.
En clair, la résiliation du contrat permettra d’écarter l’application des dispositions contractuelles prévoyant, par exemple, l’application d’une indemnité de résiliation.
Mais qu’est-ce qu’un comportement grave ?
Parmi les motifs pouvant justifier la résolution, la jurisprudence admet l’existence d’un manquement à « la bonne foi contractuelle » voire au « devoir de loyauté« .
Elle considère également « l’impossibilité d’obtenir un fonctionnement correct du système » et « l’urgence » de mettre fin au contrat.
Dans cette affaire, le juge avait plus particulièrement justifié la résolution unilatérale du contrat au regard de la nécessité de « mettre fin aux effets particulièrement négatifs sur la clientèle des dysfonctionnements constatés » et de « faire cesser une situation néfaste à son image de marque« .
Dans un arrêt rendu à l’encontre de la société SCT TELECOM, la Cour d’appel de Douai a également prononcé la résolution du contrat en raison des surfacturations restées inexpliquées
Pour reprendre l’exemple de cette dernière, il conviendra de mettre en balance ces manquements par rapport aux obligations contractuelles qu’elle s’est « auto-imposées » et qui figurent sur son site internet, la société SCT TELECOM y indiquant :
- garantir à ses clients de « profiter de solutions télécoms performantes et pérennes après avoir audité ses besoins » en fournissant « une qualité de services inégalée en matière de réseaux de télécommunications » lui garantissant « l’excellence » ;
- « assurer une forte proximité, et à répondre rapidement en cas d’anomalie, en étant présent et réactif à ses côtés », lui garantissant « l’intégralité de l’installation de ses équipements fixe et Internet, et la maintenance nécessaire, grâce à une équipe de techniciens déployés sur toute la France » et « fournissant des solutions télécoms de première qualité à des prix avantageux ».
La plupart du temps, il ne sera pas nécessaire de rentrer dans le détail des fautes contractuelles.
Les seules factures suffiront.
La jurisprudence a ainsi eu l’occasion de justifier la résolution du contrat au regard des nombreuses irrégularités comptables notamment entre les sommes facturées et celles prévues au contrat ou encore, au regard de services facturés ne correspondant à rien voire de consommations « hors forfaits » non justifiées et aux montants variables.
Il a même été observé un cas où la société SCT TELECOM avait facturé chaque mois une prestation d’installation de la ligne… alors que par définition, cette prestation n’avait pu être réalisée qu’une seule fois.
En dehors de ces factures, il vous faudra mettre en exergue, les dysfonctionnements subis et l’impossibilité qui a été la votre de pouvoir disposer d’une ligne téléphonique fonctionnelle.
La société SCT TELECOM a ainsi déjà été condamnée pour avoir laissé son client « abandonnée sans aucune aide efficace, alors que l’assistance en matière de service de téléphonie et d’accès internet est essentielle ».
La sanction a été la résolution du contrat, l’obligation pour la société SCT TELECOM de rembourser les factures prélevées et l’inopposabilité de ses conditions générales et plus particulièrement, des dispositions relatives à la perception d’une indemnité de résiliation.